Zirkulu batetik begira begiraden zirkulu batean (Regarder à travers un cercle dans un cercle de regards) est une exposition qui explore les pratiques artistiques qui réfléchissent de manière critique et spéculative sur le rôle de l'image en mouvement dans la construction de récits et de représentations de l'altérité qui ont constitué une tradition variée du cinéma ethnographique. Les œuvres qui composent le projet d'exposition déconstruisent souvent les méthodologies établies ou remettent en question les technologies de production d'images, mais elles mettent également la caméra au service de l'autoreprésentation.

Le projet prend comme point de départ les réflexions de la cinéaste Maya Deren (Kiev, 1917 - New York, 1961) issues de son travail en Haïti et de son refus de monter les images qu'elle a enregistrées lors de ses différents voyages sur l'île, où elle s'est plongée dans le monde du vaudou. Deren a défini sa position dans les premières pages de son livre Divine Horsemen. The Living Gods of Haiti (1954): "J'avais commencé comme une artiste, comme quelqu'un qui aurait manipulé les éléments de la réalité pour les transformer en une œuvre d'art à l'image et à la ressemblance de mon intégrité créative; je finis par enregistrer, avec la plus grande humilité et la plus grande précision possible, la logique d'une réalité qui m'a obligée à reconnaître son intégrité et à abandonner mes manipulations". Cet abandon du format cinématographique au profit de l'écriture nous donne des éléments pour commencer à construire une approche critique des opérations de représentation implicites dans les formats documentaires.

Le titre de l'exposition est une citation tirée du film Reassemblage (1952) de la cinéaste et théoricienne vietnamienne-américaine Trinh T. Minh-ha (Hanoï, 1952). Tourné au Sénégal, Reassemblage s'éloigne de toute prétention à représenter une réalité étrangère pour réfléchir sur l'acte même d'enregistrer, à travers la technologie du cinéma, une série d'images sur lesquelles se superpose la voix off de Trinh qui, loin de fournir une explication prétendument organisée et objective de la réalité, se propose "non pas de parler de, mais à propos de". La cinéaste déclare: "Ce que je vois, c'est la vie qui me regarde. Je regarde à travers un cercle dans un cercle de regards". Ce cercle, l'objectif de la caméra, enregistre celles qui sont filmées en rendant le regard à celle qui filme et en mettant en évidence la complexité des réseaux de relations qui s'établissent, médiatisés par l'oscillation de la distance entre les différentes subjectivités, mais aussi par le désir.

Ainsi, l'exposition propose une généalogie de pratiques influencées par la pensée décoloniale, la cybernétique et les féminismes et, outre les images en mouvement, elle comprend d'autres œuvres qui élargissent les relations proposées entre ce que Vilem Flusser a appelé les "images techniques" et d'autres pratiques artistiques.

Artistes

Sammy Baloji, Louidgi Beltrame, Minia Biabiany, Edgar Calel (en colaboration avec Fernando Pereira dos Santos), Lastenia Canayo (Pecon Quena), Raymonde Carasco, Collectif Los Ingrávidos, Maya Deren, Juan Downey, Sheroanawe Hakihiiwe, Aida Harika, Edmar Tokorino & Roseane Yariana, Helena Producciones, Héctor Hyppolite, Morzaniel Ɨramari, Frantz Jacques "Guyodo", Karrabing Film Collective, Sarah Maldoror, Sueli Maxakali, Beatriz Santiago Muñoz, Rosalind Nashashibi, Deborah Stratman, Trinh T. Minh-ha, Santiago Yahuarcani.

Commissaire d'exposition: Catalina Lozano, commissaire en chef du musée Artium, avec le soutien de l'artiste Louidgi Beltrame, à travers des conversations et des échanges.

[Image: Collectif Los Ingrávidos, 'The Sun Quartet, Part 4: Far from Ayotzinapa', 2017 (fotograma)]