Harun Farocki (1944-2014) incarne la transition entre une culture cinéphile et le développement d'une critique de la représentation. Sa carrière commence dans les cercles de la contre-culture berlinoise pour aboutir à un statut d'auteur culte dans le domaine de l'art. Le cinéma militant, la critique et le journalisme culturel à la télévision et à la radio sont à l'origine d'une œuvre qui fera de l'essai cinématographique son genre de référence. C'est ainsi que Harun Farocki s'inscrit dans une génération postérieure à celle des réalisateurs du nouveau cinéma allemand. Cette rétrospective présente pour la première fois une large sélection de films militants produits au cours des années 1960 – dont certains ont été récemment restaurés – ainsi que des exemples de son activité dans le domaine de la critique cinématographique. Ces documents introduisent un ensemble de ses installations les plus remarquables à partir de 1995, qui ont fait de lui une référence dans le monde de l'art.

À la fois critique, pédagogique et sobre, le travail de Harun Farocki a inauguré une nouvelle forme d'expérience muséale qui transforme les visiteurs en acteurs actifs. La somme des installations et des œuvres dans un espace continu produit ce que l'auteur lui-même a qualifié de montage subjectif, dans lequel, tandis que nous contemplons une œuvre, nous commençons à en voir d'autres du coin de l'œil. C'est ce qu'il a appelé le "soft montage". Dans cette optique, les œuvres réunies produisent un effet supplémentaire sur celles qui ont été réalisées entre les années 1960 et la première décennie du XXIe siècle, de sorte qu'elles se fondent les unes dans les autres. L'exposition est complétée par des programmes de projections, des ateliers et des activités pour les enfants et leurs familles, car Harun Farocki, malgré sa réputation d'auteur difficile, nous offre un cinéma limpide.

Curateur·ices: Antje Ehmann y Carles Guerra